Deux thérapies cellulaires par des lymphocytes T génétiquement modifiés sont aujourd’hui possibles dans le cadre d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation). Leurs bénéfices sont très nets sur le taux de rémission, mais leur administration expose à

des effets secondaires sévères qui imposent un cadre strict.

 Les CAR-T cells sont des cellules immunitaires fabriquées à partir des lymphocytes T du patient génétiquement modifiés par des vecteurs viraux codant pour un récep-teur antigénique chimérique (CAR : chimeric antigen receptor).

Cela leur permet d’exprimer à leur surface un récepteur qui reconnaît directement les cellules cancéreuses, comme le ferait un anticorps, et qui déclenche leur activation, aboutissant à la mort de la cellule cancéreuse. Cette nouvelle approche thérapeutique est aujourd’hui proposée dans deux hémopathies lymphoïdes de la lignée B: les leucémies aiguës lymphoblastiques en rechute ou réfractaires chez les moins de 25 ans, et les lymphomes à grandes cellules en rechute ou réfractaires de l’adulte. Ces premières thérapies cellulaires, qui ciblent l’antigène CD19, sont utilisées depuis l’été dernier dans le cadre de deux ATU de cohorte, délivrées peu avant leur agrément européen.

« Dans les deux indications des ATU, ces traitements sont utilisés dans des formes évolutives de ces maladies, face auxquelles nous sommes relativement démunis », souligne le Pr Nicolas Boissel (Paris).
Leurs bénéfices sont très nets : dans les leucémies aiguës lymphoblastiques par exemple, le taux de rémission complète est de l’ordre de 80 %, alors qu’il est de 10 à 20 % avec la chimiothérapie. « Il s’agit donc d’un progrès majeur pour les patients ayant une maladie avancée, dont l’espérance de vie n’est que de quelques mois avec  les traitements actuels. Mais cette nouvelle approche thérapeutique comporte plusieurs défis », met en garde le spécialiste.

Gérer la toxicité et le taux d’immunoglobulines

Le premier défi est d’éviter la progression de la maladie durant le délai de fabrication des cellules CAR-T, qui est actuellement de six à douze semaines, même s’il tend à diminuer.

Le deuxième défi est la gestion de la toxicité. En effet, l’administration de ce traitement, effectuée après une chimiothérapie lymphodéplétive, expose à deux toxicités aiguës pouvant mettre en jeu le pronostic vital : un syndrome de relargage des cytokines, survenant dans les sept à dix jours, pouvant entraîner une défaillance d’organes, et des troubles neurologiques, aphasie, encéphalopathie, voire crises convulsives et œdème cérébral, qui eux peuvent survenir plus tardivement. Dans certains essais, les formes graves de ces complications concernent jusqu’à 50 % des patients, et nécessitent une coordination étroite entre les services d’hématologie et de réanimation médicale.

Le troisième défi est la gestion des hypogammaglobulinémies induites par le traitement

Les cellules CAR s’attaquent en effet aussi aux lymphocytes B normaux, ce qui entraîne une diminution de production des immunoglobulines. Les patients traités et répondeurs retrouvent rapidement une excellente qualité de vie, mais la nécessité d’une supplémentation mensuelle à long terme en immunoglobulines polyvalentes représente une contrainte pour ces personnes souvent jeunes.

Enfin, la législation sur les organismes génétiquement modifiés impose que les patients soient suivis pendant quinze ans après la réinjection des cellules, en raison du risque de mutagenèse insertionnelle, anecdotique avec ce type de vecteurs.

Dr Isabelle Hoppenot

Rencontres de la Cancérologie Française, Paris 27-28 novembre 2018