Pam Harrison

25 juin 2020

Brisbane, Australie — Un test salivaire pour la détection des cancers de l’oropharynx provoqués par le papillomavirus humain de type 16 (HPV-16) a réussi à identifier une tumeur de ce type chez un patient adulte asymptomatique. C’est une première mondiale et elle a été publiée en ligne le 31 mars dans la revue Frontiers in Oncology [1].

Vers un dépistage à grande échelle du HPV-16

L’équipe de recherche avance que, si ce résultat peut être répliqué dans une cohorte plus vaste d’individus asymptomatiques en bonne santé, ce serait une étape de plus vers un dépistage à grande échelle du HPV-16 – la première cause de la progression spectaculaire des cancers de l’oropharynx.

« Le carcinome à cellules squameuses de l’oropharynx est souvent découvert à un stade avancé et entraîne pour les patients une morbidité colossale associée au traitement. Il est donc crucial de développer des stratégies pour identifier plus rapidement ce type de cancer », souligne Chamindie Punyadeera, doctorant (Queensland University of Technology, Brisbane, Australie) et l’un des principaux auteurs.

« Cette étude fournit pour la première fois une base scientifique solide pour lancer un essai de dépistage des cancers de l’oropharynx dus aux HPV chez des sujets à haut risque », ajoute-t-elle. « Un test salivaire pourrait être réalisé à grande échelle et [utilisé] dans une étude de ce type dans le futur. »

Le test salivaire a été développé par le Dr Punyadeera et par le premier signataire Kai Dun Tang, doctorant lui aussi et rattaché à la Queensland University of Technology. Il est réalisé au moyen d’un rinçage buccal : le patient se rince la bouche avec une solution saline pendant une minute ou deux avant de recracher l’échantillon dans une éprouvette.

Rien à l’examen clinique

Le test salivaire a été étudié en détail dans le cadre d’une étude de prévalence (encore en cours) de l’ADN du HPV-16, pour laquelle 650 participants en bonne santé ont été soumis à un dépistage oral de l’ADN du HPV-16.

« La présence persistante d’ADN viral a été observée chez trois de ces sujets », rapportent les investigateurs. Après avoir approché ces trois patients, l’un d’entre eux, un homme d’âge moyen chez qui les tests confirmaient la présence d’ADN viral de façon constante depuis 36 mois (et dont la charge virale pour le HPV-16 n’avait cessé d’augmenter au fil du temps) a été invité à se présenter à une clinique ORL pour y être évalué.

« L’examen clinique initial de l’oropharynx, comprenant une palpation et un examen sous lumière blanche, n’a pas révélé d’anomalies significatives », soulignent les chercheurs.

L’évaluation clinique standard des pathologies malignes oropharyngées repose en effet sur un examen sous lumière blanche pour identifier des masses suspectes, la recherche d’irrégularités ou d’une asymétrie des structures sous-jacentes et la palpation de la base des amygdales et de la langue.

Une coupe transversale par tomodensitométrie ou IRM peut également avoir son utilité, précise-t-elle, mais ce type d’examen d’imagerie ne permet pas de détecter des lésions de moins de quelques millimètres.

Dans le cas qui nous occupe, un échantillon de salive a été prélevé à l’inclusion puis 6, 12 et 36 mois après démarrage dans l’étude, et enfin 2 semaines après que le patient ait décidé de se soumettre à une amygdalectomie bilatérale.

De l’ADN a été extrait des échantillons de salive et du tissu amygdalien obtenu après résection. Le génotypage de l’ADN du HPV-16 et la virémie ont été analysés au moyen d’un test par PCR.

Découverte d’un carcinome dans l’amygdale gauche

D’après les résultats obtenus sur la base des échantillons de salive, la charge virale du patient pour l’ADN du HPV-16 avait augmenté de manière exponentielle au cours des 36 mois de suivi, passant de 3,43 copies/50 ng à l’inclusion à 1281,69 copies/50 ng à 36 mois.

La chirurgie a permis de découvrir un carcinome à cellules squameuses de 2 mm dans l’amygdale gauche. Tous les autres tissus oropharyngés étaient normaux et exempts d’ADN viral.

Deux semaines après amygdalectomie, la charge virale dans les échantillons de salive était devenue indétectable.

Ce cas clinique démontre que le HPV salivaire peut être utilisé pour détecter des lésions trop petites pour être identifiées à l’examen clinique ou même à l’imagerie, et que ce même test salivaire pourrait vraisemblablement aussi être utilisé pour surveiller la réponse au traitement, commente le Dr Punyadeera.

Persistance à long terme de l’infection par le HPV-16, un pré-requis

Comme l’expliquent les chercheurs dans leur article, la persistance à long terme de l’infection par le HPV-16 est vraisemblablement un prérequis à l’apparition ultérieure d’une maladie maligne.

Contrairement à celle du cancer du col lié à l’infection par le HPV-16, l’histoire naturelle de l’infection par le HPV dans l’oropharynx n’est pas connue.

L’évaluation clinique de patients présentant une infection à HPV persistante ou des carcinomes microscopiques n’a toutefois pas permis de détecter d’anomalies identifiables.

C’est donc la première fois qu’un diagnostic de cancer occulte asymptomatique de l’oropharynx confirmé par l’histologie a pu être posé grâce à un test de dépistage reposant sur une série de mesures de l’ADN du HPV-16, soulignent les investigateurs.

Leur rapport démontre également que des lésions très précoces peuvent être éradiquées au prix d’une morbidité minime. Malheureusement, la majorité des cancers de l’oropharynx sont actuellement identifiés à un stade beaucoup plus tardif et leur élimination chirurgicale est souvent associée à des handicaps significatifs, dont notamment des difficultés de déglutition et même de communication.

« C’est incroyable de se dire que cet homme a pu être guéri par une intervention de 15 minutes qui n’a provoqué aucune séquelle durable », commente le Dr Punyadeera. « Nous devons à présent nous efforcer de faire de ce scénario la norme plutôt que l’exception. »

« Il nous faudrait donc une étude de dépistage bien conçue reposant sur tous les enseignements de ce cas clinique. C’est notre devoir vis-à-vis des patients que d’explorer pleinement ces résultats », insiste-t-elle.

Les auteurs n’ont pas déclaré de liens d’intérêt.

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “World First: Saliva Test Detects Occult HPV Oral Cancer”.

  • Références

Tang KD, Vasani S, Taheri, T et al. An Occult HPV-Driven Oropharyngeal Squamous Cell Carcinoma Discovered Through a Saliva Test. Front. Oncol., 31 March 2020 | https://doi.org/10.3389/fonc.2020.00408