Le plan cancer 3 a permis des avancées « majeures » dans le domaine de la recherche, mais a été marqué par les échecs des programmes organisés de dépistage des cancers et un manque d’ambition en matière de lutte contre l’alcool, constatent l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dans un rapport publié lundi.

Alors qu’une stratégie décennale de lutte contre le cancer a été mise en consultation par l’Institut national du cancer (Inca) en septembre, les deux inspections dressent un bilan complet du plan cancer 3, dans un rapport de près de 400 pages.

La mission, qui dit avoir mené des travaux « très approfondis », rapporte avoir auditionné près de 200 personnes. Elle fait 67 recommandations dans plusieurs domaines : recherche, données observationnelles, prévention, dépistage, soins, qualité de vie, démocratie sanitaire, pédiatrie, inégalités, financement et gouvernance.

Les inspecteurs relèvent des « avancées majeures », notamment dans le domaine de la recherche.

Ils saluent les programmes en recherche fondamentale et le programme de recherche en biologie et sciences du cancer PL-Bio, mais note que, comme le PRT-K, ils sont victimes de leur succès et que le taux de réussite a baissé pour se rapprocher de 10%, voire passer en dessous à 8,6% pour le PL-BIO. La mission préconise de remédier à cette situation en abondant des financements ou en modifiant le périmètre de ces appels à projets.

Elle souligne également que les sites intégrés de recherche sur le cancer (Siric), initiés en 2011, ont contribué à structurer la recherche en cancérologie et accru sa visibilité internationale. S’agissant du PHRC-K (programme hospitalier de recherche clinique-cancer), elle préconise d’en améliorer le pilotage scientifique et son évaluation.

Les deux inspections mettent en avant l’intérêt des 16 centres labellisés Inca de phase précoce (Clip) mis en place depuis 2010 qui ont permis une progression du nombre d’essais cliniques de phase précoce menés en France (58%) et de patients inclus dans des essais cliniques (+160% entre 2010 et 2016). Elles abordent également les programmes Accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes (AcSé, 5 essais cliniques depuis sa mise en place en 2013) et e-SMART dédié aux enfants (100 patients inclus).

En matière de données observationnelles, la mission appelle à mieux prendre en compte l’impact des facteurs sociaux et environnementaux en consolidant ou créant: un registre dans une zone défavorisée (par exemple la Seine-Saint-Denis), un registre dans un territoire viticole et un autre dans une zone où sont situées des installations classées Seveso.

Des échecs dans les dépistages et la prévention

Les inspecteurs estiment que le plan cancer 3 a joué un rôle « déterminant » dans la mise en place dʼun programme national de réduction du tabagisme (PNRT) en 2014 et souligne la baisse du tabagisme observée en France à partir de 2016.

A l’inverse, ils déplorent un manque d’ambition en matière de lutte contre l’alcool, alors qu’il induit en France chaque année 16.000 décès par cancer.

Ils rappellent que la consommation d’alcool en France est supérieure de 30% à celle de la moyenne des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et qu’elle est devenue le troisième plus gros consommateur, devant la Russie.

Ils recommandent trois niveaux d’action : des états généraux sur lʼalcool, des mesures à cadre réglementaire constant et l’adoption dʼun programme national de prévention du risque alcool avec modifications législatives et réglementaires.

Ils invitent également à recentrer les actions du plan cancer sur les enjeux de nutrition et d’activité physique ayant un apport direct pour les malades ou les anciens malades du cancer.

Le plan cancer 3 s’était donné pour objectif de faire progresser la vaccination anti-HPV de 30% de couverture en 2014 à 60% en 2019. Or fin 2018, le taux de jeunes femmes de 20 ans ayant reçu un schéma complet était de 23% (contre 33% fin 2014).

Les inspecteurs sont néanmoins très optimistes puisqu’ils considèrent « possible » que les effets d’une « série d’actions » mises en oeuvre dans le cadre du plan cancer 3, soient différées. Ils préconisent une « information claire et transparente des médecins généralistes afin de répondre à leurs interrogations ». 

S’agissant des expositions professionnelles, la mission déplore « certains reculs dommageables » et cite notamment le retrait en 2017 des risques chimiques des critères de pénibilité du compte professionnel de prévention. Elle préconise de faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles à effets différés telles que le cancer.

Le rapport aborde également l’exposition à la pollution atmosphérique et appelle à « capitaliser les actions réalisées dans les régions pour réduire les risques.

Les résultats en termes de dépistage sont « très en deçà » des objectifs du plan cancer 3 qui prévoyait dʼatteindre un taux de couverture de 80% du dépistage par frottis cervico-utérin pour les femmes entre 25 et 65 ans dʼici 2019, constatent les rapporteurs.

Dans le cadre de ce plan, un programme de dépistage organisé a été mis en place en 2018. Selon les données de l’assurance maladie, en 2015-2017 le taux de couverture du dépistage des 25-65 ans par frottis était de 58,7%, versus 59% en 2014-2016.

Le taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein est quant à lui passé de 52,1% en 2014 à 50,3% en 2018, alors que l’objectif du plan cancer 3 était d’atteindre 75% en 2019. Pour les inspecteurs, il convient de « favoriser le recours au dépistage, quel que soient ses modalités, organisé ou individuel ».

La mission qualifie le dépistage du cancer colorectal « d’échec ». Alors que le passage au test immunologique plus performant mi-2015 devait contribuer à l’amélioration de la participation, celle-ci a diminué en 2018-2019 (30,5%) par rapport à 2017-2018 (31,9%).

Evaluation du 3e plan cancer (2014-2019)

https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article801