Quel regard portez-vous sur les nouvelles recommandations émises par la Haute Autorité de santé (HAS) concernant la prévention et le dépistage du papillomavirus ?

L’élargissement de la vaccination aux garçons tout comme le test de détection du HPV recommandé aux femmes de plus de 30 ans sont deux bonnes nouvelles. Ces initiatives vont dans le sens de ce que la Ligue a préconisé lors des États généraux de la prévention des cancers en 2018. Nous regrettons simplement de ne pas avoir obtenu l’accès gratuit au vaccin, qui reste aujourd’hui onéreux et pris en charge à seulement 65% par l’assurance maladie. Par ailleurs, la mise en place du test HPV est très positive, mais elle demandera de la pédagogie pour expliquer ce changement aux femmes. En effet, alors que nous avions réussi à instaurer la pratique régulière de frottis en prévention du cancer du col de l’utérus, un dispositif en deux temps a remplacé ce discours unique; d’abord le frottis avant 30 ans, puis le test HPV au-delà de 30 ans. Cela va nécessiter que les professionnels de santé expliquent cette nouvelle façon de procéder et le changement de calendrier : on passe d’un contrôle tous les trois ans à une surveillance tous les cinq ans en cas de test HPV négatif. Cette distanciation des contrôles ne doit d’ailleurs pas éloigner les femmes d’un suivi gynécologique régulier qui permet également de dépister d’autres maladies (cancer du sein et des ovaires, endométriose…).

Pourquoi malgré l’existence de vaccins protégeant contre le HPV, le dépistage systématique du cancer du col utérin par frottis régulier reste-t-il préconisé ?

L’importance de maintenir les contrôles, en plus de la vaccination, se justifie d’abord par le fait que certaines personnes sont résistantes au vaccin, une exception que l’on retrouve pour tous les vaccins. D’autre part, tant que toute la population n’est pas vaccinée, certains restent possiblement infectés ou infectants, d’où l’intérêt de maintenir le dépistage. Enfin, le vaccin ne couvre pas l’ensemble des souches du papillomavirus, mais seulement les principales. Donc, même quand on est vacciné, il reste un risque résiduel de développer un papillomavirus susceptible d’évoluer en liaisons précancéreuses contre lesquelles il est important de se prémunir.

Pourquoi la vaccination reste-t-elle recommandée pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ?

Le HPV n’entraîne pas que des cancers féminins. Chez les hommes, il peut évoluer vers un cancer de la sphère ORL, un cancer de l’anus ou un cancer du pénis. La vaccination pour tous, y compris les hommes ayant des partenaires masculins, permet ainsi de couvrir un maximum de risques et de diminuer la probabilité de rencontrer une personne infectée, donc de contracter le virus.

 

Docteur Emmanuel RICARD
Délégué au service prévention et promotion des dépistages
Ligue Nationale contre le cancer
Interview par la revue Vivre Septembre 2020