Le bénéfice de la coloscopie pour le dépistage généralisé du cancer colo-rectal enfin démontré

D’après  Elsa BELLANGER. Le Quotidien du Médecin Hebdo  9978 vendredi 24 mars 2023

 

50 % : C’est le taux de diminution des décès  par cancer colo-rectal si la participation au dépistage par coloscopie est de 100 %

La coloscopie figure parmi les options disponibles pour le dépistage du cancer colo-rectal. Elle est majoritairement utilisée aux États-Unis et couramment en Allemagne dans cette indication. Mais contrairement aux autres modalités que sont les tests de recherche de sang occulte dans les selles (FIT : Fecal Immunochemical  Test) et la sigmoïdoscopie, la coloscopie n’avait jamais été évaluée dans un essai contrôlé randomisé

Un essai baptisé Nordic-European Initiative on Colorectal Cancer (NordICC) a tenté de combler ce manque. Les résultats de cet essai quand contrôlé randomisé ont été publiés dans The New England Journal of Médecine.(M.BRETTHAUER et al. NEJM. 2022.DOI :10.1056/NEJMoa2208375)

Des données d’études de cohorte avaient estimé que cet examen était associé à une diminution de 40 à 69 % de l’incidence du cancer colo-rectal et à une baisse de 29 à 88 % du risque de décès spécifiques. Mais l’efficacité réelle de la coloscopie pourrait être surestimée car ces études peinent à prendre en compte les réticences à participer à une coloscopie pour le dépistage.

 

Conduit en Pologne en Norvège en Suède et aux Pays-Bas entre 2009 et 2014, l’essai NordICC a impliqué 84 585 participants présumés en bonne santé et âgés de 55 à 64 ans. Parmi eux 28 220 ont reçu une invitation à réaliser une coloscopie de dépistage. Deux critères ont été évalués : le taux de participation au dépistage par coloscopie après une invitation et la différence de risque de cancer à 10 ans selon la stratégie adoptée.

Il en ressort d’abord que dans ces pays où la coloscopie de dépistage était peu courante, seulement 42 % des participants invités ont effectivement effectué l’examen avec des variations allant de 33 % en Pologne à 60,7 % en Norvège

 

Un recul de 18 % du  risque de cancer colorectal à 10 ans

Dans les analyses en intention de dépistage le risque de cancer colo-rectal à 10 ans était de 0,98 % dans le groupe ayant reçu une invitation et de 1,20 % dans le groupe non invité soient une réduction du risque de 18 %

Ce recul de 18 % du risque apporte la preuve que l’invitation à la coloscopie réduit probablement la mortalité. Surtout cette étude quantifie les faits qui se révèlent proches de celui obtenu avec le FIT qui réduit de 15 % le risque de cancer colo-rectal alors que le taux de participation à la coloscopie est moindre que pour le FIT

Par ailleurs, l’étude évalue le risque de décès par cancer colo-rectal à 0,28 % dans le groupe invité et à 0,31 % dans le groupe non invité, tandis que le risque de décès, toutes causes confondues, était similaire dans les deux groupes.

Le nombre nécessaire de patients à inviter à réaliser un dépistage pour prévenir un cas de cancer colo-rectal était de 455, indiquent les auteurs.

 

Dans les analyses ajustées pour estimer l’effet du dépistage si tous les participants assignés au hasard avaient effectivement participé, le risque de cancer colo-rectal est passé de 1,22 % à 0,84 % et le risque de décès liés au cancer colo-rectal est passé de 0,30 % à 0,15 %

Ainsi une participation de 100 % conduirait à une diminution de 31 % du risque de cancer colo-rectal et de 50 % des décès associés à ce cancer.

Ce bénéfice est probablement sous-estimé jugent ces mêmes auteurs car, comme dans la plupart des autres effets à grande échelle sur le dépistage du cancer colo-rectal, nous ne pouvions pas ajuster tous les facteurs de confusion important dans tous les pays

L’enjeu reste donc la participation au dépistage. Dans les pays latins le taux de participation à la coloscopie plafonne autour de 25 %. En France on subodorait déjà, d’après les données non randomisées de la littérature, l’effet attendu et décrit dans l’étude, à peu près similaire à celui du FIT. Or c’est bien plus coût-efficace de faire un FIT suivi d’une coloscopie dans 4 % des cas que de la proposer à tous les Français de plus de 45 ou 50 ans.

 

Un essai randomisé actuellement conduit en Espagne pour comparer la coloscopie au FIT devrait apporter un autre éclairage sur les bénéfices de chacune des modalités de dépistage. Les premiers résultats, présentés de façon informelle à l’occasion des journées francophones d’Hépato-Gastro-Entérologie et d’Oncologie Digestive à Paris du 16 au 19 mars 2023 seront publiées dans l’année à venir.

 

Un autre enjeu du dépistage par coloscopie porte sur la qualité de l’examen qui dépend des équipements mais aussi de l’opérateur. Le défi actuel de la discipline c’est d’avoir les meilleures endoscopistes possibles, par une formation initiale de qualité et continue permanente. C’est un travail quotidien qui ne fait que commencer insiste le professeur BENAMOUZIG chef du service de gastro-entérologie à l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et membre de la Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (SNFGE).