Jeunes en rémission d’un
cancer : La double peine ?
Fin novembre2018, l'Assemblée
Nationale a rejeté la possibilité d'étendre le droit
à l'oubli aux 18-21 ans, dans le but de permettre
aux jeunes patients en rémission d'un cancer, 5 ans
après la fin de leur traitement sans rechute, de ne
plus déclarer leur pathologie lorsqu'ils sollicitent
un prêt. Cette mesure aurait concerné environ 900
jeunes, auxquels on aurait alors permis de réaliser
leurs projets sans attendre, sans subir une double
peine à la suite de leur maladie. C’était une des
promesses de campagne du candidat Emmanuel Macron,
qui s'était engagé à réduire le droit à l'oubli à 5
ans pour tous.
Le rejet par l'Assemblée
nationale a suscité l'incompréhension.
En fait la réalité n’est pas
aussi simple : «Pour certains cancers, le droit à
l'oubli n'est pas de cinq ans ou dix ans, mais de
deux ans », a expliqué, dans l'hémicycle, la
ministre de la Santé, Agnès BUZYN, qui a œuvré pour
le droit à l'oubli lorsqu'elle dirigeait l'Institut
national du cancer (InCa). Elle a justifié le rejet
de cette proposition : l'adoption d'un tel article
aurait remis en cause la convention AERAS (s'Assurer
et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Cette
« spécificité française » a été négociée entre les
assureurs, les banques, les pouvoirs publics et les
associations de patients.
Entré en vigueur le 7 janvier
2007, ce dispositif permet à une personne présentant
ou ayant présenté un risque aggravé de santé
d'obtenir, dans des conditions spécifiques, un prêt
immobilier qu'elle ne pourrait pas obtenir dans les
conditions standards d'assurance.
Cette disposition s'applique
donc aux jeunes de 18 à 21 ans en rémission après un
cancer.
En 2015, un avenant à la
convention AERAS a en outre instauré un droit à
l'oubli. Il permet une absence de déclaration» de la
pathologie après un délai défini dans une grille de
référence des maladies, actualisée par l'InCa en
fonction des progrès thérapeutiques. Ainsi, un jeune
en rémission d'un mélanome de niveau I n'aura plus à
déclarer sa pathologie après un an (il n'aura alors
ni surprime, ni exclusion de garantie). Si sa
pathologie n'est pas référencée, en revanche, il
devra patienter 10 ans pour ne plus avoir à la
déclarer aux assureurs.
Objectiver les situations
Le droit à l'oubli a été
introduit par l'InCa pour les anciens malades du
cancer. Pour ces personnes en rémission, devoir
déclarer leur pathologie revenait à retomber dans la
maladie. Avec l'introduction du droit à l'oubli, il
s'agissait de permettre de ne pas la déclarer après
un certain délai. Pour établir ce délai sur une base
consensuelle, il était nécessaire d'objectiver les
situations sur un même risque et d'obtenir une
grille commune aux différentes compagnies
d'assurance.
Ainsi, pour aider les
patients, plutôt que de généraliser le « droit à
l’oubli », il vaut mieux alimenter la grille de
référence avec des données fiables. Suivant cette
logique, la ministre a prôné qu'on réduise à 5 ans
le droit à l'oubli pour les jeunes de 18 à 21 ans
dans le cadre des renégociations de la convention
AERAS, prévues pour le premier semestre de 2019. Si
les négociations n'aboutissaient pas, Agnès Buzyn a
annoncé qu'elle imposerait alors les choses
par décret.
D'après l'article d'Elsa
BELLANGER, Quotidien du Médecin n° 9709, du 10
décembre 2018
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